Ensemble Parchemins : Le temps d’une récréation italienne
©Fabrice Rousseau
« Comme quoi, parfois, prendre un chemin qu'on ne connaît pas du tout ne mène pas forcément à se perdre » Bernard Magnet, L'Autre Radio, février 2019.
©Ensemble Parchemins – Le disque Récréation Italienne – Illustrations Libon
Ensemble Parchemins
Titre du disque : Récréation italienne
Duo de chanteurs baroques : Nathalie Ferron, percussions, Matéo Crémades, guitare baroque
– 17 titres
– Livret : 32 pages
– Autoproduction
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Matéo Crémades et Nathalie Ferron, installés à Rochecorbon près de Tours, ont réalisé un disque d'une grande richesse créative en duo de chants et guitare baroque. Le titre du disque Récréation italienne est inspiré d'une toile du peintre Antoine Watteau où l'on voit un guitariste qui joue la sérénade à sa belle. Celle-ci date du début du XVIIIe siècle, cette ambiance bucolique de ce tableau est celle que les musiciens ont voulu faire transparaître dans ce disque.
Watteau, Antoine1684–1721.
“La récréation italienne”, 1715.
Huile sur toile, 75,5 × 94 cm. Château de Sans-souci. Inv. Nr. GK I 5599
Potsdam, SPSG.
Ce genre de musique baroque du XVIIe siècle reste une musique savante écrite mais que Nathalie et Matéo souhaitent transmettre avec toute sa légèreté et ses thèmes intimes liés à l’amour. Le répertoire présenté est constitué de « villanella » italiennes populaires publiées au XVIIe siècle avec une notation musicale appelée alfabeto. A cette époque, la guitare est jouée par le peuple, c'est un instrument de rue utilisé notamment par la Commedia dell’arte.
L’alfabeto est un système de notation propre à la guitare baroque qui consiste à attribuer une lettre de l’alphabet à chaque accord réalisable sur cet instrument. Cette notation était à destination du grand public. Il y a énormément de liberté dans cette écriture baroque, une grande part d'improvisation, cela se rapproche du jazz. Les recueils qui nous sont parvenus sont finalement des improvisations notées nous explique Matéo.
La période pré-baroque, située entre la Renaissance et le début du XVIIe marque un véritable changement dans la façon d’envisager la musique. On passe du contrepoint horizontal propre à la période de la Renaissance, à la verticalité du système tonal moderne qui apparait au début du XVIIème siècle. L’évènement musical marquant est l'Orfeo de Monterverdi donné en 1607 pour l’ouverture du Carnaval de Mantoue à la cour de Vincent 1er.
©Ensemble Parchemins
Le grand intérêt de cet album est de présenter un répertoire inédit qui n'est pas souvent donné. Cette musique composée n’est pas si facile à interpréter. Il y a une marge d'improvisation, l'écriture présente une ligne de chant et une ligne de basse et tout le reste est à la charge de l'interprète. Puis, il y a l'ornementation et les ponts, et quelquefois l'harmonie est à retrouver, tout cela est porté par la guitare. Cette guitare baroque espagnole est l'ancêtre de la guitare actuelle, elle est de petite dimension et présente plusieurs particularités. Guitare dite à cinq chœurs, la « chitarra spagnola » possède dix cordes soit cinq cordes doublées et une rosace en parchemin qui orne son ouïe.
©Fabrice Rousseau
Matéo Crémades joue de la guitare baroque depuis sept ans, il fabrique la sienne en 2015. C’est un instrument qui est utilisé généralement pour donner des couleurs dans un orchestre, car il a plutôt une sonorité aigüe. Matéo réalise aussi des rosaces en parchemin pour guitare, clavecin ou cistre : c'est pour cela que le groupe s'appelle Parchemins. La guitare baroque est un instrument assez rare en conservatoire, c’est plus souvent le luth, ou le théorbe qui sont enseignés.
©Romain Guegan
La formation de l’Ensemble Parchemins, duo de chanteurs accompagné par la guitare baroque est rare. C’est probablement la seule formation de ce type en France.
Ce n'est pas un schéma traditionnel où la chanteuse est accompagnée par le guitariste puisque Matéo chante également. Loin des usages purement académiques, c'est finalement une manière folklorique de jouer qui se rapproche des musiques traditionnelles. Dans ce disque, il y a des clins d'œil à toute une diversité musicale « du blues malien d’Ali Farka Touré et la nonchalance du folk américain de J.J Cale » dans le morceau Rosa bianca. Par ailleurs, on retrouve deux chants traditionnels, des Pouilles et de Naples.
Matéo Crémades et Nathalie Ferron recherchent cette esthétique traditionnelle naturelle tout en ayant deux voix très timbrées et travaillées. Ce sont de très belles voix qui s’accordent avec délicatesse.
Ils recherchent des matières nouvelles qui leur correspondent vraiment et ont une vision très actuelle de la musique baroque, c’est pour cela qu’ils sont programmés dans des lieux très divers, et notamment par des scènes de musiques actuelles.
©Fabrice Rousseau
Avec ce programme proposé dans ce disque, l'intention est d'interpréter de la musique populaire telle qu'elle se faisait dans la rue au XVIIe siècle et non pas telle qu’elle était jouée dans les cours aristocratiques. L’enjeu est de montrer cette facette invisible de la rue, une musique de tradition orale qui ne nous est pas véritablement parvenue, même si certains compositeurs de renom s’en sont inspirés comme par exemple Giovanni Girolamo Kapsberger et Claudio Monterverdi en Italie ou Etienne Moulinié en France.
Ce second album a été enregistré en décembre 2019, en autoproduction et en marge finalement des circuits académiques de la musique ancienne. Nathalie et Matéo ont été attentifs à varier les morceaux, et à équilibrer les solos, les duos et les instrumentaux afin d'emmener l'auditeur dans un voyage de découverte récréative. Matéo réalise des recherches sur des manuscrits en bibliothèque. Un tri est fait ensuite en fonction des choix artistiques et diverses appropriations personnelles.
Le répertoire exclusivement italien mixe des thèmes connus comme la berceuse de T. Merula « Canzonetta sprituale sopra alla nanna » à caractère sacré mais aussi et majoritairement des morceaux profanes, parfois inédits et jamais enregistrés. La thématique principale est l'amour, la passion hormis quelques titres « O come foggono » un morceau sur la fuite du temps ou l'amour spirituel avec « Granadiglia ».
©Jacques Hermitte
Le disque a été enregistré au château de Pocé-sur-Cisse (Indre-et-Loire) par l’ingénieure du son, Anaïs Georgel.
Dix-sept morceaux sont présentés sur 71 minutes. Avec une piste cachée d'un enregistrement d'une chronique radiophonique de Bernard Magnet (l'Autre Radio à Château-Gontier en Mayenne) qui parle de cette musique qui l’atteint directement sans pour autant en connaître tous les codes (recherche musicologique, langage spécifique, textes en italien, etc.). Car c’est bien cela que recherche L’Ensemble Parchemins : rendre la sonorité des chansons populaires que l’on pouvait entendre dans les rues de Naples, Rome ou Venise, accessible à tous.
C’est un magnifique objet illustré par l’auteur-dessinateur Libon qui a proposé des dessins de jardins à l’italienne. Un grand soin a été donné au texte du livret, des explications précises et les traductions des chansons.
A écouter au jardin le temps d’une récréation…
©Marie-Pierre Duperray
« Stu Pettu e fattu cimbalu d’amuri »
Mon cœur est une cymbale d’amour
Contact :
www. ensembleparchemins.com